Il y a des choses dont on sait qu’elles doivent arriver, qu’elles vont arriver, un jour, le plus tard possible, le plus tranquillement possible l’espère-t-on, mais on s’y refuse tellement que pour nous elles n’arriveront pas. On redoute ce jour et puis en même temps, non c’est presque irréel, impossible, curieux sentiment après coup, tout armé de notre lucidité on croit ceux qui nous ont donné la vie, immortels.
Il y a un an la vie a ramené mes illusions d’enfants à la dure réalité, et elle l’a fait avec la douceur d’un rouleau compresseur comme pour ne pas dénoter avec le reste, il aura fallu que ce soit brutal et que la culpabilité me tienne au corps, il aura fallu que je sois ramenée aux carences de ma vie, au chemin chaotique qui a fait de moi celle que je suis n’ayant pas su faire des épreuves une force…
Il est parti dans la douleur et dans la peur, il est parti avec des regrets immenses de n’avoir pas su être meilleur pour ses enfants, il allait partir en pensant que volontairement je ne donnais ni ne prenais de nouvelles, toute l’absurdité qu’il y aura eu malgré nous dans notre relation malmenée, alors que j’attendais avec impatience son coup de fil pour me préciser à quelle date il allait venir me voir comme il me l’avait dit, il allait partir sans savoir que j’attendais un bébé, je ne savais pas tout ça, personne ne m’a prévenue, j’ai su brutalement… En quelques heures j’ai appris l’hospitalisation depuis 15 jours, j’ai pu lui parler quelques secondes à peine, quelques secondes couvertes par le bruit assourdissant de l’assistance respiratoire, quelques secondes où j’ai fondu en larmes et où il m’a dit qu’il ne fallait pas, que ça allait aller… Je rappellerai très vite me disais-je…
Quelques heures plus tard à peine, le téléphone sonnait mais lui ne serait plus jamais au bout du fil…
Il est parti en me laissant avec mes blessures, nos blessures…
Une semaine plus tard il aura fallu lui dire adieu, soutenue par les siens…
Inconcevable…